Abécédaire Imaginaire de l’Intelligence Artificielle – Éthique, gouvernance et souveraineté
Craintique
/kʁɛ̃.tik/
n.f. Attitude de prudence excessive face à l’intelligence artificielle qui, sous couvert de vigilance légitime, empêche d’explorer son potentiel transformateur.
« Je préfère faire comme avant », « On ne sait jamais où ça peut mener »… Ces phrases vous sont-elles familières ? La craintique est cette posture intellectuelle qui consiste à voir d’abord les risques plutôt que les opportunités de l’IA, transformant la vigilance nécessaire en immobilisme confortable.

« Sa craintique l’empêche d’explorer les possibilités créatives offertes par les nouveaux outils d’IA. »
« Les débats sur l’IA au Parlement oscillent entre enthousiasme naïf et craintique paralysante. »
« Dépasser sa craintique initiale lui a permis de découvrir des applications de l’IA parfaitement alignées avec ses valeurs éthiques. »
Fusion subtile de « crainte « et de « numérique« , la craintique s’habille souvent des atours respectables de l’éthique ou de la prudence raisonnable. Comme une sentinelle trop zélée, elle monte la garde aux frontières de l’innovation, repoussant systématiquement les avancées technologiques au nom de dangers parfois fantasmés. Contrairement au peurogrès, qui paralyse ouvertement par anxiété face au changement, la craintique se présente comme une forme de sagesse, ce qui la rend d’autant plus efficace pour freiner l’exploration des possibilités offertes par l’IA.
Cette prudence n’est pas illégitime en soi – l’IA soulève effectivement des questions fondamentales qui méritent réflexion. Mais lorsqu’elle se fige en posture défensive permanente, elle devient une forme sophistiquée de résistance au changement. Entre la techno-béatitude naïve et la craintique paralysante, une voie médiane existe : celle de l’expérimentation consciente, du questionnement constructif, de l’appropriation critique.
L’usage de ce terme s’est tellement répandu dans les cercles technologiques depuis le début des années 2020 qu’un glissement sémantique s’est naturellement opéré. On entend désormais régulièrement dans les couloirs des incubateurs ou des départements d’innovation : « Il est sacrément craintique, celui-là ! » – l’adjectivation du substantif témoignant de la vitalité d’un concept qui qualifie désormais autant les personnes que l’attitude elle-même.
Certains linguistes et observateurs des technologies préfèrent le terme « peurogrès », fusion plus directe entre peur et progrès, qui met davantage l’accent sur la paralysie face à l’avancée technologique. Les deux termes coexistent harmonieusement dans le lexique de l’ère numérique, « craintique » étant généralement privilégié dans les contextes professionnels et académiques, tandis que « peurogrès » s’impose progressivement dans les conversations plus informelles.
L’ironie de la craintique est qu’en cherchant à nous protéger des risques potentiels de l’IA, elle nous prive parfois des outils mêmes qui pourraient nous aider à résoudre les grands défis de notre temps.
Où vous situez-vous sur ce spectre entre enthousiasme technologique et craintique ? Votre prudence est-elle un garde-fou nécessaire ou un frein inavoué à votre propre adaptation ?
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