Abécédaire Imaginaire de l’Intelligence Artificielle – Éthique, gouvernance et souveraineté
Dérobiade
/de.ʁɔ.bjad/
n.f. Tendance à attribuer à l’intelligence artificielle la responsabilité de décisions qui restent fondamentalement humaines, permettant ainsi de se dérober facilement à ses propres responsabilités.

« Face à l’erreur médicale assistée par IA, le chirurgien a pratiqué une parfaite dérobiade en affirmant que « c’est le système qui a recommandé cette procédure ».
« La dérobiade est devenue le réflexe courant des décideurs qui préfèrent blâmer l’algorithme plutôt que d’assumer leurs choix stratégiques. »
« Les auditions parlementaires ont mis en lumière cette dérobiade institutionnelle où chaque acteur rejette sur l’IA la responsabilité d’un système qu’ils ont eux-mêmes conçu, paramétré et déployé. »
« Pour lutter contre la dérobiade généralisée, certaines législations imposent désormais une responsabilité explicite des opérateurs humains supervisant les systèmes d’IA. »
Fusion subtile de « dérobade » (action d’esquiver une responsabilité) et d’ »IA« , ce terme capture l’essence de ce comportement contemporain où l’intelligence artificielle devient le parfait bouc émissaire de nos erreurs et de nos choix. Le suffixe « -ade », qui évoque une action caractéristique ou une manifestation, renforce l’idée d’un comportement récurrent et identifiable.
La dérobiade représente l’une des dérives les plus insidieuses de notre relation à l’IA : celle qui consiste à prêter aux algorithmes une autonomie décisionnelle qu’ils n’ont pas réellement, pour mieux nous exonérer de notre propre responsabilité. « L’IA l’a décidé », « C’est l’algorithme qui a choisi », « Le système a recommandé cette action » – autant de formules qui illustrent cette tendance à oublier que derrière chaque système d’IA se trouvent des concepteurs, des développeurs, des paramétreurs et des utilisateurs humains.
Ce qui rend la dérobiade particulièrement tentante, c’est la facilité qu’elle offre : blâmer une entité perçue comme autonome et insondable est infiniment plus commode que d’analyser la chaîne de décisions humaines qui a conduit à un résultat problématique. À la différence du consiliam qui assume pleinement sa responsabilité en utilisant l’IA comme outil, le pratiquant de la dérobiade se cache derrière la machine qu’il a lui-même mise en place.
Cette pratique soulève des questions fondamentales d’éthique et de gouvernance : comment maintenir une chaîne claire de responsabilité dans un monde où les décisions sont de plus en plus assistées par des systèmes complexes ? Comment éviter que l’opacité technique ne devienne le paravent idéal pour se dérober à ses responsabilités ?
Avez-vous déjà été témoin d’une dérobiade, ou peut-être l’avez-vous pratiquée vous-même, cédant à la tentation de blâmer l’algorithme plutôt que d’assumer une décision qui, en définitive, restait la vôtre ?
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