Abécédaire Imaginaire de l’Intelligence Artificielle – Relation homme-machine
Véraporie
/ve.ʁa.pɔ.ʁi/
n.f. Défi fondamental (épistémique) dans notre quête de vérité à l’ère de l’intelligence artificielle.
Ce concept décrit comment nos chemins traditionnels vers le savoir semblent conduire à une impasse apparente, nous invitant à repenser notre rapport au réel et à développer de nouvelles formes de discernement.
Avez-vous déjà ressenti ce vertige particulier face à une information générée par IA, si cohérente et documentée qu’elle semble vraie, mais dont vous ne pouvez vérifier l’exactitude sans un effort considérable ? Cette véraporie est l’invitation paradoxale de notre époque : celle de réinventer notre rapport à la vérité.

« La véraporie nous place non dans une impasse définitive, mais dans l’exaltante nécessité de forger de nouveaux chemins vers la connaissance. »
« Face à la véraporie contemporaine, les penseurs développent des méthodologies qui allient technologies numériques et sagesse traditionnelle. »
« La véraporie n’est pas la fin de la vérité, mais sa métamorphose à l’ère de la complexité augmentée. »
Terme né de l’union de « vera » (vérité) et « aporia » (impasse, difficulté sans issue apparente), avec « IA » subtilement enchâssé en son cœur – comme pour suggérer que l’intelligence artificielle est désormais indissociable de notre quête de vérité. Cette construction évoque l’antique concept grec d’aletheia (ἀλήθεια), cette vérité conçue comme dévoilement, comme ce qui émerge de l’oubli ou de la dissimulation. À l’ère de l’IA générative, ce dévoilement devient paradoxal : comment distinguer ce qui se dévoile de ce qui se simule parfaitement ?
La véraporie n’est pourtant pas une capitulation, mais une invitation. Là où les philosophes existentialistes nous parlaient de la facticité – cette condition d’être « jeté » dans un monde que nous n’avons pas choisi – nous voici confrontés à une facticité nouvelle, augmentée par les algorithmes qui tissent désormais la texture même de notre réalité informationnelle. Comme l’observe Antoinette Rouvroy, nous évoluons dans un « régime de facticité » où les productions algorithmiques acquièrent le statut de faits indiscutables.
Ce qui distingue notre époque n’est pas tant la difficulté d’accéder à la vérité – Socrate déjà nous invitait à reconnaître notre ignorance – mais la vitesse et l’échelle auxquelles se produit désormais cette complexification. Là où Hannah Arendt nous mettait en garde contre les « faits têtus » manipulés par les pouvoirs, nous voici face à des « faits fluides » générés par des intelligences non-humaines. Cette fluidité n’est pas une fatalité, mais un appel à aiguiser notre discernement.
Car la véraporie nous invite à une forme d’héroïsme épistémique quotidien. Comme le suggérait William James, la vérité n’est peut-être pas ce qui est donné, mais ce qui se fait à travers nos pratiques et nos engagements. Dans un monde où Google et ChatGPT semblent détenir les réponses à toutes nos questions, la véraporie nous rappelle la valeur des questions elles-mêmes – ces explorations qui brillent souvent plus que les assertions qu’elles suscitent.
À l’heure où le clivström technologique s’accélère, où la gobéria nous guette et où l’affibialance devient notre état cognitif quotidien, la véraporie nous rappelle que l’humain ne se définit pas tant par sa capacité à détenir la vérité que par sa détermination à la chercher inlassablement, même – et surtout – quand elle semble se dérober.
Cette quête n’est pas solitaire : face à la complexité vertigineuse de notre monde, seule l’intelligence collective – cette fabligilance partagée – peut nous aider à tracer des chemins à travers l’apparente impasse. La véraporie n’est pas la fin du voyage, mais son passionnant recommencement.
Quelle question fondamentale vous pose la véraporie de notre temps ? Et si l’impasse apparente était en réalité l’invitation à emprunter des chemins de traverse que nous n’aurions jamais explorés autrement ?
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