Crozon, le 21 mai 2025
Céder n’est pas négocier

Munich, septembre 1938. Édouard Daladier signe les accords du même nom. En bas du document, sa signature rejoint celles de Chamberlain, de Mussolini et de Hitler. Dans ce geste contraint et qu’il sait historique, il scelle ce qu’il pressent déjà : ce « compromis » avec Hitler n’est qu’une compromission qui conduira l’Europe au désastre.
Un moment crucial où la recherche effrénée d’un accord a primé sur la lucidité et le courage de dire non.
Une leçon de l’Histoire qui éclaire toute pratique du Dialogue.
Négocier ne signifie pas chercher le compromis à tout prix. Une telle pente est dangereuse car elle mène aux concessions que l’on finit, tôt ou tard, par regretter amèrement. L’objectif est au contraire de construire une solution que chacun pourra pleinement valider et soutenir dans la durée. Pour cela, deux ingrédients sont essentiels : l’affirmation de soi et la compréhension de l’autre.
Face à un interlocuteur qui ne respecte ni ses engagements ni ses partenaires, le compromis n’est qu’illusion. Hitler n’a jamais considéré les accords de Munich que comme une étape vers ses objectifs réels. Six mois plus tard, il envahissait ce qui restait de la Tchécoslovaquie.
Je retiens particulièrement cette réalité historique car elle me rappelle une vérité fondamentale de ma pratique : il est des situations où paradoxalement le dialogue peut devenir une impasse.
Non pas parce que dialoguer serait avouer sa faiblesse (le dialogue est au contraire, selon moi, l’expression d’une grande force) mais parce que les conditions mêmes de son exercice ne sont plus réunies.
Les conditions du dialogue sont immuables : la reconnaissance mutuelle, la sincérité des intentions, le respect des engagements pris. Sans elles, ce qui se présente comme une négociation n’est en réalité qu’une forme de capitulation différée.
L’Histoire bégaie-t-elle ? Aujourd’hui c’est l’Ukraine qui est pressée de négocier avec la Russie. Troublante ressemblance. Il est des situations où le courage consiste non plus à persister dans le dialogue, mais à admettre qu’il n’est plus possible.
C’est sur cette ligne de crête que j’accompagne mes clients dans leurs négociations les plus délicates. Mener l’exercice d’équilibriste qui consiste à manier vigilance et courage n’est jamais simple. Le mener en étant accompagné permet de ne pas affronter seul ces choix difficiles.
Si la pratique du dialogue est noble, elle exige cette double lucidité : savoir rester ouvert aux perspectives de l’autre, tout en sachant reconnaître le moment où nos valeurs fondamentales sont menacées.


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