Crozon, le 21 mai 2025
Donner tort à Wilde

En 1891 Oscar Wilde publie l’essai « The Critic as Artist » dans lequel il partage sa vision ironique de la société victorienne.
Il y dit notamment que « La différence entre littérature et journalisme, c’est que le journalisme est illisible et que la littérature n’est pas lue. »
Un siècle et des poussières plus tard, alors que l’information nous asphyxie, nous hypnotise, et que le faux se mêle au vrai avec une redoutable efficacité, sa formule claque comme un manifeste pour l’esprit critique. D’autant plus que l’IA prétend nous libérer de l’effort de penser.
Victoriens de l’ère numérique, nous consommons du contenu comme certains par ce passé consommaient de l’opium. Le journalisme ? Une masse informe de données qui s’entrechoquent. La littérature ? Un luxe que nous remettons toujours à plus tard. Quand nous lisons encore. Et voilà que l’intelligence artificielle amplifie ce vertige, nous promettant de digérer cette masse d’informations à notre place et surtout d’en générer toujours plus à notre tour.
Nous sommes nombreux à regretter une certaine superficialité de notre époque, mais nous en sommes les porte-voix.
L’esprit critique ne se décrète pas, il se cultive. Il exige du temps, de l’attention, parfois même de l’inconfort. Il demande surtout de résister à cette tentation permanente du prêt-à-penser, qu’il vienne des réseaux sociaux ou des algorithmes.
Face à ce déluge d’informations, une seule solution : reprendre le temps de lire. Vraiment lire. S’arrêter, réfléchir, douter. Cultiver cet esprit critique qui nous manque tant. La littérature n’est pas lue ?
C’est le moment de donner tort à Wilde.


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