Ciseler le dialogue pour façonner demain

Crozon, le 17 juillet 2025

LES HÉROS : Ce que les grands personnages nous apprennent sur le leadership

Épisode 2/8 de la Mini-Série « De l’art du Récit à l’Art de Gouverner ».

L’été, c’est le moment parfait pour mêler plaisir et réflexion ! Dans cette mini-série de 8 épisodes je marie littérature et gouvernance d’entreprise.

À lire tranquillement, les pieds dans l’eau, un punch à la main.

Objectif : faire pétiller vos idées avant la rentrée !

C’est en 1990 que Joseph Campbell affirmait qu’« un héros est quelqu’un qui a identifié sa mission personnelle et la poursuit de manière à inspirer les autres à le suivre, non par obligation mais par aspiration. » (*) Le livre qu’il a écrit sur le thème du « héros » est devenu référence pour comprendre la construction des récits.

La notion de « construction d’un récit » s’impose aujourd’hui comme un levier essentiel du développement d’entreprise. Bien sûr j’utilise ce prisme moi aussi quand j’accompagne mes clients dirigeants dans l’amélioration de leur gouvernance. Il trouve toute sa puissance quand il s’agit de les aider à formuler leur vision, leur ambition, puis de les traduire en mots qui résonnent auprès de leurs équipes et de leurs clients, mais aussi de leurs partenaires, financiers ou opérationnels.

Mais j’observe aussi que chaque dirigeant porte en lui « son histoire », celle qui l’a poussé à créer ou reprendre son entreprise. La questionner l’aide souvent à nourrir sa quête de développement, à lui donner sens et direction.

C’est ce qui me ramène régulièrement à la citation de Campbell. Grande lectrice, j’ai naturellement exploré comment la littérature, à travers ses héros, éclaire de manière particulière les enjeux de gouvernance auxquels sont confrontés les entrepreneurs que j’accompagne.

La littérature regorge de ces trajectoires où la quête personnelle devient source d’inspiration collective. De Cyrano à Jean Valjean, d’Antigone à Monte-Cristo, les héros de papier ont façonné, peut-être plus que nous ne le pensons, notre vision du leader idéal. Ils ont nourri notre imaginaire collectif de valeurs et de comportements qui, aujourd’hui encore, définissent ce que nous attendons d’un leader.

Et si nous explorions ce que ces héros de papier nous disent du leadership ?

De manière complètement arbitraire, je vous propose une liste de vingt personnages de la littérature qui selon moi ont marqué notre esprit quand il s’agit pour nous de « penser leadership » :

  1. Ulysse (L’Odyssée, VIIIe siècle av. J.-C.) – Adaptabilité et stratégie
  2. Antigone (Sophocle, 441 av. J.-C.) – Courage des convictions
  3. Prospero (La Tempête, Shakespeare, 1611) – Pouvoir et sagesse
  4. Don Quichotte (Cervantes, 1615) – Vision et idéalisme
  5. Robinson Crusoe (Defoe, 1719) – Résilience et Maîtrise de soi dans l’adversité et organisation
  6. Valmont (Les Liaisons Dangereuses, Laclos, 1782) – Manipulation et influence
  7. Edmond Dantès (Le Comte de Monte-Cristo, Dumas, 1844) – Stratégie au long terme et transformation
  8. Capitaine Achab (Moby Dick, Melville, 1851) – Obsession de l’adversité
  9. Thomas Gradgrind (Les Temps Difficiles, Dickens, 1854) – Pragmatisme et Persistence
  10. Jean Valjean (Les Misérables, Hugo, 1862) – Transformation et rédemption
  11. Phileas Fogg (Le Tour du monde en 80 jours, Verne, 1872) – Vision et méthodologie
  12. Octave Mouret (Au Bonheur des Dames, Zola, 1883) – Innovation commerciale et vision
  13. Étienne Lantier (Germinal, Zola, 1885) – Leadership social et mobilisation
  14. Cyrano de Bergerac (Rostand, 1897) – Authenticité
  15. Gatsby (Gatsby le Magnifique, Fitzgerald, 1925) – Vision et ambition
  16. Meursault (L’Étranger, Camus, 1942) – Authenticité radicale
  17. Hadrien (Les Mémoires d’Hadrien, Yourcenar, 1951) – Transmission d’héritage
  18. José Arcadio Buendía (Cent ans de solitude, García Márquez, 1967) – Vision et folie
  19. Kublai Khan (Les Villes Invisibles, Calvino, 1972) – Vision de toute puissance et de gestion d’empire
  20. Largo Winch (Van Hamme, depuis 1990) – Intuition, audace, intégrité ; subversion et loyauté

Si je me suis bien amusée à dresser cette liste, j’ai été assez marquée par ce qu’elle révèle. Elle nous parle de vision (Don Quichotte et ses idéaux impossibles) et de résilience (Robinson Crusoé face à l’adversité). Elle nous raconte la détermination méthodique de Phileas Fogg, la vision entrepreneuriale d’Octave Mouret, le leadership social d’Étienne Lantier. Même les personnages plus ambigus, comme Gatsby ou Monte-Cristo, nous enseignent les paradoxes du pouvoir et les pièges de l’ambition.

L’ensemble constituerait presque ce qu’il est commun d’appeler « les fondamentaux du leadership ». L’authenticité d’abord, incarnée par Cyrano qui refuse tout compromis avec sa conscience. La transformation ensuite, portée par Jean Valjean qui transcende son passé. Le courage des convictions, qu’Antigone pousse jusqu’au sacrifice. L’esprit d’entreprendre, l’appétit de toute puissance, la vision, que Don Quichotte et Gatsby poursuivent jusqu’à la folie. Et enfin la résilience, cette capacité qu’incarne Robinson Crusoé à transformer l’adversité en organisation.

Mais ce que nous enseignent aussi ces héros, c’est que le leadership n’est jamais une ligne droite. Les mêmes qualités qui les élèvent peuvent, poussées à l’extrême ou détournées de leur cap, devenir des failles. C’est dans ces ombres que se glissent parfois les avertissements cachés des grands récits. Si certains incarnent la grandeur de l’héroïsme absolu, d’autres nous avertissent des risques qui guettent toute figure de pouvoir : l’aveuglement (Achab), l’orgueil (Don Quichotte), la démesure (Gatsby, Buendía).

Car les grands récits sont là pour nous rappeler que toute quête peut se perdre en route, que tout leader peut dériver s’il ne reste pas ancré dans une exigence éthique.

Notre imaginaire collectif valorise bien plus les qualités morales que les compétences techniques. Le « leader parfait », tel que la littérature l’a posé dans nos esprits, est d’abord un être de conviction et de transformation. Tel un potier qui tourne son argile pour qu’elle prenne la forme qu’il a visualisée quelque part dans son intangible imaginaire, le leader est façonneur d’âmes.

Ces qualités que la littérature met en lumière ont grandement contribué à structurer notre vision contemporaine du leadership. Lorsque nous recrutons un dirigeant, lorsque nous évaluons son potentiel ou l’accompagnons dans le déploiement de sa vision, que cherchons-nous vraiment ? Des compétences techniques et une maîtrise du marché ? Elles sont nécessaires, bien sûr, mais elles s’acquièrent. Des outils de management ? Sans doute, mais cela aussi s’apprend.

Ce que nous attendons au fond, ce sont ces qualités morales que les héros de papier incarnent depuis des siècles : l’authenticité qui inspire confiance, le courage qui permet les vraies transformations, la vision qui donne du sens, la résilience qui traverse les tempêtes. Nous rêvons de leaders capables d’élever ceux qui les entourent, de les transformer par la force de leur engagement et la clarté de leur cap.

Pourtant, il arrive que l’exigence morale que nous plaçons sur les épaules des leaders soit singulièrement allégée. On leur pardonne parfois ce que l’on ne tolérerait pas ailleurs : « C’est un roublard, mais il n’a pas son pareil pour lever des deals » — et l’affaire est entendue. L’efficacité justifie les moyens, l’habileté prime sur la droiture. Ainsi, sous le vernis des valeurs proclamées, il n’est pas rare de voir des figures de pouvoir cultiver des zones d’ombre, protégées par les résultats qu’elles délivrent.

Et une fois entré dans la bergerie, le loup s’y installe durablement. Lorsque le leader faillit moralement, surtout lorsqu’il est le chef d’entreprise, il est rarement remis à sa juste place. L’aura du pouvoir, la dépendance économique ou la peur du vide freinent souvent les remises en cause. Peu à peu, la culture de l’organisation elle-même peut se déformer au miroir de cette figure dévoyée.

La littérature, en cela, nous offre une mise en garde autant qu’une boussole. Elle nous rappelle que le leadership n’est pas une technique à maîtriser mais une aventure intérieure à vivre. Une aventure qui commence toujours par une quête personnelle et qui, pour devenir inspirante, doit s’enraciner dans l’exigence éthique et l’authenticité.

Le vrai leadership, celui qui élève, transforme et mobilise, est d’abord un engagement envers soi-même avant d’être un pouvoir sur les autres. Et si vous profitiez de l’été pour vous demander : quelle est, au fond, votre propre quête ?

Au fait, en parlant d’aventure et d’inspiration… Savez-vous ce que ces mêmes héros nous apprennent sur la manière d’agir en situation de conflit ? Je vous donne rendez-vous dans le prochain épisode, où nous explorerons comment la littérature nous éclaire sur les tensions qui traversent nos organisations.

#Dialoguons #Finistère #Leadership #Gouvernance #Innovation

(*) En 1990, Joseph Campbell publie « The Hero’s Journey in Leadership », ouvrage devenu une référence pour sa capacité à relier les archétypes mythologiques aux défis du récit. Le livre reprend le modèle commun des histoires qui mettent en scène un héros qui part à l’aventure, qui remporte une victoire lors d’une crise décisive et qui alors rentre chez lui changé ou transformé.


🔗🤝Je suis Cécile, 𝗮𝗿𝗰𝗵𝗶𝘁𝗲𝗰𝘁𝗲 𝗱𝘂 #𝗱𝗶𝗮𝗹𝗼𝗴𝘂𝗲. Je construis des ponts entre les personnes et les idées pour favoriser l’innovation et le développement de notre territoire.

Je suis facilitatrice et médiatrice, mais aussi enseignante et écrivain public. J’aide les personnes et les entrepreneurs à renforcer leur habilité relationnelle et à gagner en impact.

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