Crozon, le 14 août 2025
LES PERSONNAGES SECONDAIRES : Ce que les grands « seconds rôles » nous apprennent sur l’entreprise

Épisode 6/8 de la Mini-Série « De l’art du Récit à l’Art de Gouverner ».
L’été, c’est le moment parfait pour mêler plaisir et réflexion ! Dans cette mini-série de 8 épisodes je marie littérature et gouvernance d’entreprise.
À lire tranquillement, les pieds dans l’eau, un punch à la main.
Objectif : faire pétiller vos idées avant la rentrée !
L’été avance à grand pas. Je prends un réel plaisir à dérouler cette série, avec laquelle je vous ai jusqu’à présent proposé d’explorer le leadership, les conflits, la vision et les voix multiples. Aujourd’hui je vous propose d’examiner ces personnages qu’on dit « secondaires » et qui pourtant font tourner le monde. Une conviction profonde m’anime : il n’y a pas de rôles mineurs dans une organisation, seulement des histoires qu’on n’a pas encore écoutées.
« Dans toute histoire comme dans toute organisation, il n’y a pas de personnages secondaires. Il n’y a que des personnages dont on n’a pas encore écouté l’histoire. »
Cette réflexion de Margaret Wheatley dans « Leadership and the New Science » (*) me touche particulièrement. Elle capture en effet l’essence de ce que je défends : le respect de chacun, quel que soit son statut, quelle que soit sa place dans l’organisation.
Pour illustrer cette vision, j’ai identifié vingt personnages de la littérature qui, bien que considérés comme “secondaires”, sont en réalité les véritables moteurs de leurs histoires. Des personnages qui nous rappellent que la grandeur d’une organisation repose sur l’intelligence collective de tous ses membres.
Personnages qui font tourner le monde
- Dans Don Quichotte de Cervantès, Sancho Panza incarne la sagesse populaire : il garde les pieds sur terre et ramène son maître à la réalité, sans jamais briser l’élan du rêve.
- Dans Le Seigneur des Anneaux de Tolkien, Sam Gamegie est ce héros discret sans qui rien ne serait possible : il porte Frodon, porte la quête, porte l’espoir.
- Dans Madame Bovary de Flaubert, le pharmacien Homais observe et commente : il est le témoin social qui comprend mieux que personne la petite société de Yonville.
- Dans La Condition Humaine de Malraux, le docker Chen agit dans l’ombre : il est l’acteur décisif dont personne ne parle, mais sans qui l’histoire ne pourrait avancer.
Personnages qui révèlent la vérité
- Dans Le Roi Lear de Shakespeare, le Fou cache sa lucidité derrière le masque : il ose dire ce que nul autre n’oserait formuler.
- Dans La Peste de Camus, le journaliste Rieux chronique, interroge, donne sens aux événements, même dans l’absurdité de la catastrophe.
- Dans La Voleuse de Livres de Zusak, le libraire Hans résiste en silence : il change le destin des autres par de petits gestes invisibles.
- Dans Les Raisins de la Colère de Steinbeck, l’aubergiste Tom Joad observe son époque et saisit les mouvements profonds du monde qui l’entoure.
Personnages qui portent l’action
- Dans Les Misérables de Victor Hugo, Gavroche ne mène pas la grande intrigue, mais il incarne la mémoire populaire et la résistance.
- Dans Middlemarch de George Eliot, Mary Garth agit en retrait, discrète, mais son intégrité et son bon sens font vivre la communauté.
- Dans Moby Dick de Melville, le marin Ishmael raconte, donne sens à la folie des autres, sans jamais s’instituer héros.
- Dans Le Guépard de Lampedusa, le comptable Giuseppe veille à l’administration du domaine : invisible mais indispensable, il maintient l’ordre au quotidien.
Personnages qui tissent les liens
- Dans Le Facteur de Skármeta, Mario distribue les lettres, mais surtout relie les êtres : il est le passeur de mots, le trait d’union entre les solitudes.
- Dans Les Clients du Bon Chien Jaune de Simenon, le cafetier Rick écoute, confie, recueille les secrets : il tisse le lien social de tout un quartier.
- Dans La Comédie humaine de Balzac, Birotteau, modeste parfumeur, traverse les romans en témoin du temps, gardien de la continuité.
- Dans L’Attrape-cœurs de Salinger, Mr. Antolini, professeur, incarne ce passeur de savoirs qui éclaire le chemin des égarés.
Personnages qui font système
- Dans Les Travailleurs de la mer de Victor Hugo, l’ingénieur Déruchette et les ouvriers du chantier naval œuvrent dans l’ombre : chacun apporte sa pierre à l’édifice, invisibles mais essentiels à la réussite collective.
- Dans Au Bonheur des Dames de Zola, les petits commerçants résistent au progrès : ils questionnent l’ordre établi et rappellent qu’aucune révolution n’est sans coût.
- Dans Les Maîtres de l’Orge de Van Hamme, les artisans détiennent le vrai savoir-faire : la qualité survit grâce à leurs mains, pas à la stratégie des puissants.
- Dans Bartleby, le scribe de Melville, les employés de l’étude incarnent l’organisation invisible, chacun faisant tenir l’ensemble, jour après jour.
J’aime observer la manière dont ces héros de papier interagissent avec leurs “seconds rôles”. Don Quichotte confie une île à gouverner à Sancho Panza. Un acte de fou ? Non, un acte de foi qui révèle la sagesse cachée du serviteur. Frodon remet l’anneau à Sam Gamegie. De la faiblesse ? Non, la reconnaissance que la vraie force n’est pas toujours où l’on la cherche.
Ces exemples me parlent d’autant plus que je vois trop souvent dans les entreprises le décalage entre le discours et les actes. On parle d’intelligence collective mais on pratique le command & control. On affiche le respect comme valeur mais on maintient des postures de pouvoir. On prône l’initiative mais on surveille chaque décision. Comme si Le Guépard était devenu notre manuel de management : faire semblant que tout change pour que rien ne change.
Et pourtant. Quand une organisation ose vraiment déléguer, quand elle fait vraiment confiance, elle découvre des trésors qu’elle ne soupçonnait pas. Comme le Fou du Roi Lear qui cache sa lucidité derrière ses pirouettes. Comme le docker Chen qui comprend mieux que personne les enjeux de la révolution. Comme le journaliste Rieux qui voit venir la peste quand les autorités restent aveugles.
Ce qui m’interpelle aussi, c’est la manière dont certains héros savent créer l’espace nécessaire à l’émergence de ces potentiels. Ils partagent une qualité rare : ils ne confondent pas pouvoir et contrôle. Don Quichotte peut être fou, il n’est pas stupide : il sait que la sagesse populaire de Sancho vaut tous les traités de gouvernance. Frodon peut être l’élu, il n’est pas orgueilleux : il reconnaît que la force simple de Sam vaut tous les pouvoirs magiques.
À l’inverse, les “grands” personnages qui échouent sont souvent ceux qui restent prisonniers de leur statut. Le Roi Lear n’écoute pas son Fou jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Ceux qui méprisent les discrets, les humbles, finissent souvent par voir leur empire s’effondrer. Comme si la vraie grandeur était justement dans cette capacité à voir au-delà des hiérarchies établies.
Je le constate dans ma pratique : les organisations qui réussissent vraiment leur transformation sont celles qui ont compris que l’intelligence collective n’est pas un slogan. Que le respect n’est pas une valeur à afficher mais une pratique quotidienne. Que la confiance n’est pas un risque mais un investissement.
« Il n’y a pas de personnages secondaires. Il n’y a que des personnages dont on n’a pas encore écouté l’histoire. » La formule de Wheatley prend tout son sens quand on observe ces héros de papier. Elle nous rappelle que la grandeur d’une organisation ne se mesure pas à la force de ses leaders, mais à sa capacité à faire émerger l’intelligence de chacun.
D’ailleurs, en parlant d’écoute… Savez-vous ce que ces mêmes héros nous apprennent sur l’art de construire une histoire commune ? Je vous donne rendez-vous dans le prochain épisode, où nous explorerons comment la littérature éclaire la dimension narrative de l’entreprise.
#Dialoguons #Finistère #Leadership #Gouvernance #Innovation
(*) En 1992, Margaret Wheatley publie « Leadership and the New Science », ouvrage révolutionnaire qui applique les principes de la physique quantique et de la théorie du chaos aux organisations. Ce livre est devenu une référence pour sa capacité à repenser radicalement notre compréhension des systèmes organisationnels.
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Je suis facilitatrice et médiatrice, mais aussi enseignante et écrivain public. J’aide les personnes et les entrepreneurs à renforcer leur habilité relationnelle et à gagner en impact.
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